DROLE DE POISSON D'AVRIL

Publié le par Laurence CAUSSE

 

 

 

J’ai une certaine nostalgie de ce jour joyeux qui est le poisson d’avril. Je ne pourrais pas vous dire son origine mais j’ai des souvenirs heureux d’enfance : découper des poissons de papier pour le coller sur le dos de l’institutrice… Puis on grandit, on se risque à inventer une blague, parfois tellement énorme qu’on s’en veut un peu que la victime nous ait crus. Jusqu’à cette année, le premier avril était synonyme de liberté, de gaité, de surprise…

 

 

 

 

 

Et puis 2007 arrive… Certes je suis de cette génération télé qui après avoir connue la démystification  des symboles se noient dans le symbolisme gélatineux vulgairement appelé la gloire, l’argent qui n’est autre que grossièrement le profit, le produit. Je ne répèterai jamais assez combien je regrette que la culture soit devenue un mot dénaturé.

 

 

 

 

 

Je crois en mon métier non parce qu’il m’apporte(ra) la gloire mais parce qu’il ne coûte rien. Je m’explique rapidement, je sais que dans notre société l’important est de manger, de dormir et que parler de culture quand on n’a pas de l’argent c’est de la littérature. Mais remettons la culture à son rang.

 

 

 

 

 

Je ne parle pas de culture « bourgeoise », je parle de culture humaine, de respect de l’autre dans sa façon de voir le monde et jusqu’à ce jour penser, philosopher, lire sont les choses les moins coûteuses parce qu’elles résistent encore à l’état de produit.

 

 

 

 

 

Vous comprendrez donc que ma surprise était de taille quand j’appris que le statut d’intermittent de spectacle a changé le premier avril. Cette fois-ci, c’était moi la victime de cette mauvaise « blague ». Oui, je parle encore de blague parce que la réalité parfois est trop risible pour la prendre au sérieux. L’idée n’est pas de vous expliquer le statut d’intermittent, de vous parler d’argent et de rentrer dans des détails sordides de chiffres parce qu’encore une fois ce n’est pas mon métier.

 

 

 

 

 

Notre chère mère patrie dans ce poisson d’Avril a franchi le mur de l’impudeur. Quelle ne comprenne pas pourquoi je fais ce métier, je peux comprendre et je ne lui demande pas qu’elle le comprenne. Quelle pense que chiffrer ce métier pour faire un tri encore une fois je peux comprendre mais je ne peux pas l’admettre.

 

 

 

 

 

Parce que je peux changer de métier ça n’enlèvera pas la sensation qui m’envahie quand je rentre dans un théâtre, quand je touche les planches… Je ne me l’explique pas et je ne vous ferai pas l’offense de croire que vous pouvez l’expliquer à ma place. Le problème n’est donc pas que ma République tente de rationnaliser une émotion, une vision qui ne s’explique pas. Le problème c’est que ne se l’expliquant pas, le ministère de la culture française tente de réduire mon émotion à une sorte de rendement productif…

 

 

 

 

 

Et en écrivant ces mots, je sens que le poisson d’avril devient un acte criminel : une extermination positive de la pensée libre ! On va m’obliger à choisir entre l’art qui m’anime et le produit qui rapporte. Si la France voulait créer un doute parmi ses artistes quelle se rassure le choix a été fait il y a bien longtemps. Pas de pacte avec l’ennemi, pas de courbettes à l’argent facile et sale. Aussi quand vous irez voir un spectacle pensez à cet article. La lutte est souvent là où l’on s’y attend le moins.

 

 

 

Publié dans ACTUALITE

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